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Le marketing moderne selon Darwin

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Le marketer moderne doit-il se résigner à devenir le nouveau super-K pour survivre ? En ces temps de transformation numérique des entreprises qui bouscule les équilibres, il est tentant d'envisager une analogie entre l'évolution du métier de marketer et les stratégies d'évolutions.

Le modèle évolutif r/K a été proposé par les évolutionnistes, en particulier Robert MacArthur et E. O. Wilson (The Theory of Island Biogeography, 1967). Un modèle évolutif théorisant l'évolution de la stratégie de reproduction des espèces les liant aux variations de l'environnement. Ce modèle a donné naissance aux concepts d'espèce à stratégie r et d'espèce à stratégie K. L'un des postulats de ce modèle est que la loi du plus grand nombre se heurterait dans des écosystèmes plus concurrentiels à celle du spécialiste. Si l'on se penche sur les caractéristiques spécifiques à chaque stratégie, l'analogie avec l'évolution du métier marketing se révèle intéressante.

Prenons le nombre d'individus. La stratégie r, ou stratégie reproductive, est une stratégie de développement des populations, avec beaucoup de petits et peu d'adultes. Ils compensent par le nombre. On distingue l'inverse au marketing. C'est une constante depuis les dernières décennies, les équipes marketing se réduisent en particulier dans les grands groupes internationaux. Les causes sont multiples. La première ayant touché nombre de métiers est l'externalisation des ressources, qu'elles soient vers des spécialistes, pour des questions financières d'optimisation opérationnelle, de mimétisme managérial (Loh et Venkatraman, 1992) ou d'effet de mode (Lacity et Hirscheim, 1993). Une autre cause est la transformation numérique des entreprises, l'intégration de nouveaux outils d'automatisation limitant le nombre d'acteurs, et requérant une expertise plus rare. Il en résulte des organisations marketing de type K moins pléthoriques et plus spécialisées…

Valoriser la maturité est une caractéristique de la stratégie K, applicable au marketing, avec des cycles de gestation longue et de longues périodes d'allaitement avant le sevrage. Les entreprises recherchent de plus en plus des spécialistes, plus d'experts. Si le marketer moderne vient tardivement à maturité, c'est bien parce que le degré de spécialisation requis prend effectivement du temps, et doit d'ailleurs se poursuivre tout au long de sa carrière pour conserver ses compétences. L'évolution du métier du marketer est marquée ces dernières années par la recherche d'une expertise forte dans un domaine précis. Cette évolution est accentuée par une tendance nord-américaine à la centralisation des ressources et des organisations aux USA.

La longévité est assurée pour le marketer qui s'adapte, qui se forme, qui se spécialise. L'ensemble de ces caractéristiques rendent la concurrence plus faible entre K, qu'entre r. Car même si nos métiers sont chahutés par les phénomènes de disruption, l'accélération des technologies, les changements fréquents d'usages, lorsqu'un milieu a subi une perturbation même si les espèces à stratégie r sont les premières à s'implanter, elles donnent naissance à un environnement de plus en plus compétitif où les espèces à stratégie K s'imposent.

Pour survivre, le marketer moderne n'aurait d'autres choix que de se muer en super-K ! Une espèce au cerveau développé, une vie sociale intense, ayant bénéficié d'une attention unique lors de son éducation. La leçon que nous pouvons toutefois tirer est que le marketer doit constamment penser son adaptation à son environnement pour assurer sa préservation, multiplier ses spécialisations pour ne pas dépendre d'une seule. Attention toutefois à ne pas uniquement subir, car comme le rappelle Pascal Picq (un paléoanthropologue dans l'entreprise, 2011) les premiers grands hominoïdes à avoir disparu sont ceux de la lignée européenne. Faut-il y voir un présage…

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