Tribune. Depuis le début des années 1970, les dépenses de santé en France augmentent systématiquement plus vite que le produit intérieur brut (PIB). Leur part dans le PIB est ainsi passée de 7,6 % en 1980 à 9,4 % en 1994 et à 11 % depuis le milieu des années 2010, soit l’un des ratios les plus élevés du monde. Pour faire face à cette augmentation, la France semble avoir tenté toutes les formes de régulation possibles : par les prix, par la négociation, par l’étatisation, par la privatisation.
Au cours des années 1970, les pouvoirs publics ont d’abord cherché à bloquer les prix. Les hôpitaux ont vu le niveau du « prix de journée », qui permet leur financement et est fixé par l’Etat, ne progresser que très lentement, moins vite que l’inflation. Les tarifs de la Sécurité sociale pour les honoraires des professionnels de santé n’évoluaient pas aussi vite que les salaires. Le prix des médicaments était fixé à des tarifs relativement bas par rapport à ceux des pays étrangers. Mais cette stratégie n’a guère ralenti la hausse des dépenses, car les acteurs compensaient ce quasi-gel des tarifs en augmentant le volume de leur activité : prolongation des séjours en hôpital, multiplication des consultations médicales et des prescriptions de médicaments.
Obliger les professions médicales à négocier
Faute de parvenir à réguler l’offre de soins par les prix, les gouvernements ont alors diminué les remboursements et augmenté les prélèvements obligatoires : création du forfait hospitalier en 1983 – 20 francs, soit 3 euros à l’époque, 20 euros aujourd’hui ; augmentation des « tickets modérateurs » – passés d’un niveau théorique d’ensemble de 20 % en 1945 à 45 % pour les soins de ville en moyenne, d’après les calculs de Didier Tabuteau et Pierre-Louis Bras dans Les Assurances maladie (Que sais-je, PUF, 2012) ; hausse des cotisations d’assurance-maladie et des taxes sur le tabac, l’alcool, les sodas… Naît ainsi le mythe suivant lequel les patients seraient les décideurs en matière de dépenses de santé, et qu’il convenait par conséquent de modérer leur demande par une augmentation de la part des frais de santé laissée à leur charge. Mais comme les mutuelles remboursent une grande partie de ce reste à charge, cette augmentation n’a fait que transférer des dépenses vers les assurances complémentaires qui, en retour, augmentent leurs cotisations, sans changer les comportements de santé – à l’exception des personnes privées de mutuelle, qui voient ainsi leur accès aux soins limité, ce qui conduira l’Etat à créer la couverture maladie universelle complémentaire (CMUC) en 2000.
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