IMPLANT FILES - Le leader mondial des technologies médicales, l'américain Medtronic, est potentiellement lié à 9300 décès et 292.000 blessures entre 2008 et 2017 aux États-Unis, selon des rapports sur les incidents liés aux implants médicaux analysés dans le cadre d'une enquête journalistique internationale publiée dimanche 25 novembre.
D'après ces rapports faits auprès des régulateurs américains, l'an dernier, un incident sur cinq dû à un implant médical était lié à un produit de Medtronic, plus du double que pour tout concurrent de la société.
Cette enquête baptisée "Implant Files", menée par des médias dans 36 pays dans le cadre du Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ), relève que les rapports réalisés auprès des autorités au Japon, en Norvège ou en Australie placent également l'entreprise américaine parmi celles qui ont été liées au plus grand nombre d'incidents au cours des cinq dernières années.
Les relations douteuses entre Medtronic et des médecins
Dans le détail, depuis 2008, les pompes à insuline ou leurs composants fabriqués par Medtronic pour accompagner les malades du diabète ont été potentiellement impliqués dans plus de 2.600 décès et 150.000 blessures aux États-Unis. Et dans des entretiens avec des journalistes qui ont mené cette enquête, des patients et des familles de victimes en Finlande, en Allemagne, au Canada, en Inde et aux États-Unis ont rapporté que la société avait répondu avec lenteur à leurs réclamations au sujet de ces pompes à insuline ou ne les avait pas informés de certains risques.
L'agence fédérale américaine des médicaments a relevé qu'il est normal que le premier producteur d'instruments médicaux soit aussi celui qui connaît le plus d'incidents, souligne l'ICIJ.
Dans un long article sur son site internet, le consortium énumère toutefois nombre de cas dans lesquels Medtronic a été mis en cause, sur le terrain judiciaire ou éthique, pour un usage peu réglementaire de ses implants, ou des relations douteuses avec des médecins qui ont recours à ses produits ou sont à l'origine d'études favorables.
Dans une réponse écrite à l'ICIJ, un porte-parole de Medtronic, Rob Clark, assure que la sécurité des patients est la première priorité de l'entreprise, qui respecte "les plus hauts standards éthiques". "Les accusations ne sont pas des faits et ne devraient pas être interprétées pour suggérer que Medtronic a violé nos obligations légales, éthiques ou réglementaires d'une manière ou d'une autre", a-t-il ajouté, tout en soulignant que tout produit médical comportait une part de risque.
Incidents en France et dans le monde
Au terme de leurs recherches, les plus de 250 journalistes qui ont mené l'enquête des "Implant Files" affirment le nombre d'incidents liés aux "dispositifs médicaux" (pompes à insuline, pacemakers, prothèses mammaires, de hanche, d'épaule ou de genou) augmente partout dans le monde.
Aux États-Unis, qui disposent d'un recueil de déclarations via une base de données, ces incidents auraient causé 82.000 morts et 1,7 million de blessés en dix ans, et auraient été multipliés par cinq, selon les estimations de l'ICIJ.
En France, selon les chiffres de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), qui tient un répertoire des signalements de matériovigilance, le nombre d'incidents lié à ces implants aurait doublé en dix ans, avec plus de 18.000 cas en 2017 et environ 158.000 incidents en dix ans, selon Le Monde.
En Belgique, quelque 3800 "incidents" ont été recensés depuis 2013, mais ce décompte serait "largement sous-estimés", selon Le Soir.
Les données resteraient globalement très incomplètes et souvent confidentielles, selon l'enquête, rendant impossible de dénombrer avec précision les incidents et de connaître la marque et le modèle des implants posés, et donc de retrouver les patients en cas de problème.
En France, "le nombre global" de dispositifs commercialisés n'est ainsi "pas approchable", reconnaît Jean-Claude Ghislain, directeur pour les situations d'urgence, les affaires scientifiques et la stratégie européenne à l'Agence du médicament ANSM, cité par Le Monde.
En France, où les professionnels de santé doivent déclarer ces incidents aux autorités, cette obligation serait peu respectée, alors qu'un nouveau règlement européen de 2017 se contente de demander aux Etats membres de l'UE d'"encourager" les médecins à les déclarer, regrette les auteurs.
L'enquête déplore également des échanges peu transparents entre autorités de santé concernant ces incidents graves, alors qu'une base de données européenne, Eudamed, doit être mise en ligne en 2020, mais que les Etats membres sont en désaccord sur le degré d'informations à donner.
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