(Montréal) La saga juridique de Hansel et Gretel, de l’auteur Yvan Godbout, est terminée.

La Cour suprême a refusé d’entendre la demande d’appel du Procureur général du Québec « pour défaut de compétence ». Il s’agit d’une des rares fois où le plus haut tribunal donne une raison pour refuser d’entendre un appel. Dans ce cas-ci, il affirme que la question soulevée par Québec ne relève pas de lui.

Il faut cependant rappeler que l’acquittement d’Yvan Godbout et des Éditions ADA n’était nullement remis en cause par cet appel en Cour suprême. Le Procureur général avait clairement indiqué que sa démarche ne visait pas les deux accusés, mais bien à rétablir les articles du Code criminel qui avaient été invalidés par la Cour supérieure.

Au départ, l’auteur avait été accusé de production de pornographie juvénile pour avoir écrit dans son roman d’horreur Hansel et Gretel un passage décrivant de manière explicite le viol d’une fillette de neuf ans par son père.

Le roman, écrit en 2017, avait fait l’objet d’une plainte aux policiers, ce qui avait mené à l’arrestation de l’auteur.

Tollé dans le milieu littéraire

Cette arrestation et les accusations qui avaient été déposées avaient provoqué un mouvement de soutien à l’auteur, la communauté littéraire estimant qu’une œuvre de fiction ne pouvait être ainsi associée à la réalité de la pornographie juvénile.

Le juge Marc-André Blanchard de la Cour supérieure avait acquitté Yvan Godbout et les Éditions ADA en septembre 2020 et invalidé du même coup une série d’articles du Code criminel. Le magistrat voyait dans ces articles des limites déraisonnables à la liberté d’expression et estimait qu’on ne pouvait mettre sur le même pied des images démontrant une réalité tangible et une fiction littéraire.

Le juge Blanchard faisait valoir que la loi ouvrait la porte à la criminalisation de plusieurs œuvres, dont des classiques, et n’avait pas été tendre dans sa décision envers le Directeur des poursuites criminelles et pénales, lui reprochant de s’être « attaqué » au livre d’Yvan Godbout alors que de nombreuses autres œuvres tout aussi explicites, sinon plus, n’avaient pas subi ce genre de judiciarisation.

Le Code criminel avait été resserré en 2005 pour faciliter la lutte contre la pornographie juvénile, mais le juge Blanchard estimait qu’il ratissait désormais beaucoup trop large.

Débat « théorique »

L’appel du Procureur général du Québec visait à rétablir la constitutionnalité des articles invalidés du Code criminel, y voyant un élément nécessaire à la lutte contre la pornographie juvénile.

L’appel, qui avait été demandé directement au plus haut tribunal sans passer par la Cour d’appel, visait à tenir un débat théorique sur la constitutionnalité des articles sur la production de pornographie juvénile pour rétablir les articles invalidés par le juge Blanchard.