Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

« La Familia grande », autopsie d’un inceste

Dans son ouvrage à paraître le 7 janvier, la juriste Camille Kouchner décortique les mécanismes du silence qui entoure ce crime. Elle accuse son beau-père, le politiste Olivier Duhamel, d’avoir infligé des violences sexuelles à son frère.

Par 

Publié le 04 janvier 2021 à 16h54, modifié le 05 janvier 2021 à 13h42

Temps de Lecture 4 min.

Article réservé aux abonnés

Olivier Duhamel, en mai 2016.

« J’avais 14 ans et j’ai laissé faire (…). J’avais 14 ans, je savais et je n’ai rien dit. » Camille Kouchner est maîtresse de conférences en droit et n’a publié que des articles et des ouvrages juridiques. A 45 ans, elle a éprouvé le besoin de raconter la mécanique de ce crime trop banal et encore si tabou : l’inceste. Son frère jumeau l’a subi, et celui qu’elle désigne comme le responsable de ces violences sexuelles – le second mari de leur mère, le politiste Olivier Duhamel – est aussi coupable, selon elle, de l’en avoir rendue complice.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Olivier Duhamel, l’inceste et les enfants du silence

Dire l’inceste, c’est donner un grand coup de pied dans la fourmilière familiale, briser le pacte social et passer pour un traître, même s’il y a prescription d’un point de vue juridique. Camille Kouchner endosse tous ces risques, quitte à tordre un peu le bras de son frère, soucieux qu’on le laisse tranquille. « Pour m’avoir laissée écrire ce livre alors qu’il ne souhaite que le calme, je [le] remercie », écrit-elle.

« Maman, nous étions tes enfants »

Pendant vingt ans, la fille de l’universitaire Evelyne Pisier et de l’ancien ministre Bernard Kouchner a tenu sa promesse et gardé le secret de son jumeau. A la fin des années 2000, elle le convainc tout de même de le révéler à leur mère. Nouveau cauchemar : « Evelyne » reproche à sa fille d’avoir tardé à la prévenir. « J’aurais pu quitter [ton beau-père]. Maintenant il est trop tard », accuse l’universitaire. Cette femme non conventionnelle, si généreuse et féministe – à la façon de Mai 1968 –, prend le parti de son mari, Olivier Duhamel. Jusqu’à la mort d’« Evelyne », en 2017, mère et fille ne se croiseront plus que de loin. « Maman, nous étions tes enfants », pleure Camille Kouchner.

L’inceste ne prospère que sur la confiance et les huis clos. Camille Kouchner procède comme les psychotraumatologues à l’écoute des mécanismes de prédation sexuelle : elle ausculte l’environnement amical et parental, plante son décor (les années post-68, les septennats Mitterrand), recense les habitudes. Chaque été, dans sa maison varoise de Sanary, le beau-père des jumeaux réunit ses meilleurs amis. Une « sacrée bande », sorte d’amicale intello et bourgeoise qui porte « la gauche en étendard » et à laquelle le célèbre constitutionnaliste distribue dès le printemps chambres et semaines de vacances. La grande famille.

Signaux faibles

Parties de Scrabble et de poker, débats de haute voltige autour de clopes et de rosé, slows incandescents sur la terrasse avant de plonger à minuit dans la piscine… La Familia grande, titre du livre, pourrait être celui d’une comédie espagnole tendre et colorée, adultes et enfants joyeusement mélangés. Happé par le sens aigu du détail et les anecdotes (souvent cruelles) de l’autrice, le lecteur ne prête pas immédiatement attention aux signaux faibles. Par exemple, ces photos des « culs et [des] seins » de Camille ou de femmes plus âgées prises par l’hôte des lieux et accrochées aux murs.

Il vous reste 43.85% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.