/news/politics

Livres abordant le suicide: une occasion de faire de la prévention, croit le ministre Drainville

Photo Didier Debusschere

Le ministre Bernard Drainville s’oppose à l’interdiction en classe des livres abordant le suicide. Il s’en remet au jugement des enseignants et estime que ces lectures peuvent être l’occasion d’empêcher des passages à l’acte. Mais l’Association québécoise de prévention du suicide met les écoles en garde contre une telle approche. 

Le débat sur la place de telles œuvres littéraires a été soulevé, fin décembre, quand le ministère de la Santé a recommandé de ne pas faire la promotion auprès des jeunes du livre Le garçon aux pieds à l’envers: Les chroniques de Saint-Sévère, de l’auteur François Blais, notamment dans le cadre de travaux scolaires. 

L’auteur, qui s’est lui-même enlevé la vie au printemps dernier, y aborde le suicide sous la forme de jeux et de défis, souligne la missive. 

Jeudi, le ministre de l’Éducation s’est dit opposé à une telle interdiction mur-à-mur. «Je fais confiance au bon jugement des enseignantes et des enseignants. Et ce livre-là, c’est un instrument parmi d’autres», a commenté Bernard Drainville, en marge d’une annonce à Lévis pour l’agrandissement de la salle de spectacle le Vieux Bureau de Poste. 

Le suicide, «il faut en parler», estime-t-il, tout en reconnaissant qu’il s’agit d’un dossier délicat. «Je fais confiance aux enseignants pour avoir ce doigté et cette sensibilité parce que, dépendamment de l’âge de l’enfant, il faut trouver la bonne manière, puis il faut choisir les bons mots», dit le ministre. 

«Ce n’est pas en gardant le silence sur ce phénomène-là qu’on va faire avancer les mentalités, puis qu’on va prévenir le suicide. Alors, je pense qu’il faut en parler, mais il faut faire toujours très attention à la manière avec laquelle on en parle», affirme-t-il. 

Également présent à l’annonce jeudi, le ministre de la Culture s’oppose aussi à une interdiction de certains livres, même si l’enjeu est «complexe» puisqu’il touche à la fois la santé publique et la liberté d’expression. «Est-ce qu’on peut parler de suicide dans une œuvre littéraire? Moi, je pense que oui. Est-ce qu’il y a une façon d’en parler? Personnellement, je pense que oui», dit Mathieu Lacombe. 

  • Écoutez l'entrevue de Benoit Dutrizac avec Jérôme Gaudreault, président-directeur général de l’Association québécoise de prévention du suicide sur QUB radio :

Pas sans des spécialistes 

Mais pour l’Association québécoise de prévention du suicide, l’idée de discuter d’une telle œuvre en classe sans la présence d’intervenants spécialisés est vivement déconseillée. «Parce qu’on sait que d’avoir une discussion, un dialogue, en grand groupe avec des étudiants du secondaire peut malheureusement dans certains cas, parfois, fragiliser davantage ceux qui sont déjà vulnérables d’une certaine manière», explique son président-directeur général, Jérôme Gaudreault. 

«On ne peut pas s’improviser, tout d’un coup, intervenant en prévention du suicide», souligne-t-il. 

Une directive désavouée 

Hier, le ministre de la Santé, Christian Dubé, a d’ailleurs désavoué la lettre envoyée par sa sous-ministre adjointe durant la période des Fêtes. «Je pense que, le suicide, c’est toujours un sujet qui est excessivement délicat. Je peux comprendre pourquoi la Santé publique a pris cette [position], mais je pense qu’on est allé un peu loin», a-t-il déclaré. 

Pour sa part, le PDG de l’Association québécoise de prévention du suicide se dit «d’accord» avec l’argumentaire présenté dans la lettre du ministère. Celle-ci, affirme-t-il, suivait la science. 

Quant à savoir si la directive devait s’appliquer au livre de François Blais: «on pourrait en débattre», dit M. Gaudreault. «Dans la mesure où ce n’est pas un élément central de l’œuvre et ça concerne une entité, un esprit, qui tente de tuer des enfants par mort auto-infligée, mais sans nécessairement une intention suicidaire. Donc, il pourrait peut-être y avoir une discussion là-dessus», souligne-t-il.

SI VOUS AVEZ BESOIN D’AIDE

Ligne québécoise de prévention du suicide

www.aqps.info

1-866-APPELLE (277-3553)Jeunesse, J’écoute

jeunessejecoute.ca

1-800-668-6868Tel-Jeunes

teljeunes.com

1-800-263-2266

Commentaires

Vous devez être connecté pour commenter. Se connecter

Bienvenue dans la section commentaires! Notre objectif est de créer un espace pour un discours réfléchi et productif. En publiant un commentaire, vous acceptez de vous conformer aux Conditions d'utilisation.